Ici l'oeil et l'oreille restent disponibles

Dernier jour …..

Jeanne Fadosi ( clic)  à la barre des croqueurs de mots nous propose le sujet suivant

On peut faire quelquefois d’un désagrément un atout.
Raconter, de préférence sur mode léger et sans allusion à l’actualité votre plus beau souvenir de petit désagrément (maladie d’enfance, voyage annulé, …).

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Dernier jour d’aout 1973 , mon travail à Fénétrange pour le club d’équitation prend fin par une superbe journée ensoleillée . Après une leçon particulière , je m’apprête à partir avec  une dizaine de cavaliers en promenade à Niederstinzel .

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Ayant remarqué qu’il manque une bombe à une des cavalières ,  notre lot à disposition étant déjà distribué , je lui confie la mienne pour que nous puissions envisager cette sortie  , impossible de partir autrement et comme tous en meurent d’envie c’est la seule solution  .

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“ Espoir” le jeune cheval que je monte est dans une forme olympique , n’étant pas sorti la veille . Avant de m’engager sur le chemin du château, je préviens les participants de ne surtout pas chercher à me dépasser quand nous aborderons le galop dans la prairie , ils ont tous un bon niveau mais je me méfie des réactions de ce jeune cheval très sensible .

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Nous y voilà , un large ruban vert d’herbe tendre longe la Sarre , Espoir l’avale dans un galop parfait . Soudain, en une fraction de seconde, je vois ses oreilles tricoter à toute vitesse , le martèlement des sabots se mue immédiatement en un autre bruit plus sourd .  Je vois passer les rênes devant moi , d’instinct je les saisis , le cheval se relève et ne compte pas rester là attendre que j’en fasse autant car oui je suis à terre. Une violente douleur irradiant tout  le coté  droit m’oblige à constater que j’ai comme un trou au niveau de l’articulation de l’épaule  . Que s’est il passé ? Une personne   ne tarde pas à me renseigner , la jument d’un cavalier a pris le mors aux dents et a doublé Espoir, qui, effrayé,  a fait un magistral  panache .  Exit la promenade , il ne me reste plus qu’à raccompagner tous les sortants à Fénétrange .

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J’essaye de remonter sur Espoir, au bord d’un gouffre noir je renonce , même essai infructueux pour un autre cheval . Evidemment les portables n’existent pas encore donc inutile d’attendre les secours , connaissant personnellement une des cavalières je lui demande d’alerter mon collègue . Il ne tarde pas à revenir accompagné d’un autre instructeur dans une DS noire . Si au départ je suis ravie de m’asseoir ailleurs que sur une selle je ne tarde pas à déchanter , les cahots de la voiture sur un sol particulièrement inégal sont nombreux , même avec ce type de  suspension. Mon “ambulance” me dépose à l’hôpital de Sarrebourg . Quand j’aperçois ma radio je comprends de suite que le séjour va se prolonger, la clavicule droite se balade au niveau de la plèvre du poumon .

Je ris encore de ce qui se passe après les urgences en arrivant dans la chambre où je suis installée avant l’opération  . Trois petites dames sont alitées et s’adressent à moi en allemand . Nom d’une pipe, j’allais oublier nous sommes en Lorraine allemande où le platt est de rigueur . Une conversation irréelle s’engage , j’ai beau avoir pris allemand première langue dès la sixième je suis loin de maitriser le francique .

Une semaine plus tard mon mari (qui ne l’était pas encore à l’époque ) revient de l’étranger et récupère une Vénus de Milo lorraine ( broche au niveau de l’os fracturé  et plâtre du buste incluant le bras droit ) . Il est aux petits soins pour moi et nous ne tardons pas à emménager ensemble . Mais ce n’est pas là le  seul avantage de ma mésaventure. Durant ces longues semaines où je me  retrouve avec un handicap certain, à ne pouvoir  effectuer le moindre geste quotidien de manière autonome , je prends conscience de tout ce qu’endure la personne en situation de handicap .

Même si dans la première partie de ma vie professionnelle, je n’ai que très rarement l’occasion de me servir de cette expérience , dans le virage que j’effectue quelques années plus tard dans mon orientation, elle est déterminante consciemment ou non . 

Rien de tel que d’avoir vécu un handicap  pour en mesurer toute la portée et être à même de palier tous les inconvénients , de rechercher toujours un maximum d’autonomie pour la personne atteinte  .

Compte tenu de ce que j’ai vécu pendant toutes ces années de vie professionnelle, de la richesse des rapports humains   et de tous les témoignages  après mon départ à la retraite , je crois que cet accident a vraiment été une chance pour moi , car il m’a non seulement permis de me réaliser pleinement  mais de comprendre pourquoi l’empathie est nécessaire dans tout rapport humain .

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23 Réponses

  1. Coucou Gisèle, Très jolie cette histoire, qui est même plus qu’une anecdote… Oui je crois aussi que des épreuves que l’on traverse naissent les forces qui nous animent… il faut juste avoir du recul, philosopher… 😉
    Les chevaux j’aime beaucoup, mais j’ai toujours un peu peur de ces bêtes… 😉
    je te souhaite bonne semaine !

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    5 décembre 2016 à 11 h 38 min

  2. Bonjour Jazzyn ah comme on dit tout malheur est bon, je parle pas de grand, quoi que, ça donne à voir autrement parfois la suite de sa vie… chez nous un seule clavicule cassée, notre cadette à 5 ans… trois semaines de handicap, mais elle ne s’en souvient plus guère, études d’infirmière cependant…. sourire ! Bon lundi à toi, cool, bises

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    5 décembre 2016 à 11 h 39 min

  3. bonjour Gisèle quelle belle histoire qui se termine très bien, j’avoue avoir peur des chevaux, je n’ai plus qu’une petite fille qui pratique l’équitation, l’autre s’est arrêtée cette année, passer les galops, faire des compétitions c’est pas son truc et j’avoue que je suis contente car de les voir grimper sur des chevaux plus haut qu’elles, m’angoissait, j’avais vu quelques chutes dans le manège et de plus quand elles rentraient les chevaux, elles voulaient que je m’approche et les chevaux sentaient bien que j’avais peur et eux aussi devenaient nerveux, pourtant je reconnais que ce sont des bêtes superbes, je les admire mais de loin. Bisous et bonne journée MTH

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    5 décembre 2016 à 11 h 53 min

  4. ocgall

    Bonjour d’Angers …
    Le cheval ? Le meilleur ami de l’homme ! …
    Bonne journée … Amicalement … ¢ℓαυ∂є

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    5 décembre 2016 à 12 h 21 min

  5. une jolie histoire bien racontée et écrite , du réel , du concret ! bonne semaine mon amie gros bisous

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    5 décembre 2016 à 12 h 26 min

  6. Coucou Jazzy,
    Une belle chute de cheval et des suites douloureuses. Cette expérience t’a donc servie à mesurer la vie des handicapés. C’est une expérience que j’ai faite différemment. Ma sœur est atteinte de sclérose en plaque depuis 32 ans et se trouve actuellement en invalidité 3ème catégorie, ma maman a été déclarée invalide à 80% par la médecine du travail et obligée de cesser le travail en 1977. Et quelques gamelles dans le bel escalier de la maison que j’avais en région parisienne, m’ont permis de concevoir la construction d’une maison de plain pied sur sous sol enterré. Ouvertures, douches, WC aux normes handicapées.
    Et bien tu vois, avec mes jolies fractures complexes bi-malléolaires d’août 2011 dans les rochers de mon île, j’en fus bien inspirée!
    Bises et bon début de semaine

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    5 décembre 2016 à 12 h 33 min

  7. La vie apprend à capitaliser nos difficultés, à les positiver et en tirer des enseignements. J’ai eu un début de vie bien difficile et cela m’a donné une force incroyable à tout relativiser et à toujours positiver. Ce que je vis en ce moment qui est bien entendu un moment très difficile de ma vie m’a encore augmenté cette force car cela me permet encore plus de relativiser les petites tracasseries quotidiennes. Ce qui nous tue pas nous rend plus fort. J’en suis persuadée. Bisous

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    5 décembre 2016 à 12 h 38 min

  8. claudielapicarde

    On dit souvent qu’il faut avoir vécu les choses pour les comprendre et c’est tout^à-fait vrai.
    A tous malheurs quelque-chose est bon.
    Bonne semaine.

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    5 décembre 2016 à 13 h 05 min

  9. On dit que rien n’arrive, pour rien, là tu en as une preuve flagrante…..Bisousssss

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    5 décembre 2016 à 15 h 22 min

  10. sevylivres

    Belle histoire qui se termine bien finalement. Tu aurais pu avoir pire.

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    5 décembre 2016 à 16 h 21 min

  11. mireille du sablon

    Quelquefois la vie nous permet de vivre des expériences déterminantes quand à notre avenir. Te savoir en empathie ne m’étonne pas du tout,
    Et j’imagine JC aux petits soins comme l’est actuellement « l’homme de la maison » avec moi…!
    Gros bisous du soir de Mireille du Sablon

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    5 décembre 2016 à 16 h 33 min

  12. lespigaou30

    Une belle histoire qui se termine très bien,
    Je pense que c’est une histoire vraie dans ce cas je te souhaite beaucoup de bonheur dans ton couple.
    Passe une belle semaine
    Bises
    Maryse http://lespigaou.canalblog.com/

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    5 décembre 2016 à 17 h 27 min

  13. covixlyon

    Bonsoir,
    Un accident qui apporte son bon côté malgré tout, un passage douloureux amis heureux.
    Bonne soirée
    Bises

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    5 décembre 2016 à 19 h 09 min

  14. Une vraie belle histoire , Gisèle, que ce p’tit bout de ta vie !
    C’est si bien raconté tout au long et avec ces phoros du temps, en plus !
    Bonne soirée,
    Bisous♥

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    5 décembre 2016 à 19 h 34 min

  15. Un document, une tranche de vie que je vais retenir précieusement.
    J’apprends que l’empathie se travaille, et prend racine sur la souche de ses propres expériences.
    Du coup professionnellement, et humainement, tu as eu des retours et des partagages enrichissants.
    Et puis, tu le sais, cet endroit a été pour moi, le lieu de nombreuses sorties nature, je le situe, mais pas l’endroit de l’élevage de chevaux.
    On ne devait pas être sur le trajet des randonnées épiques.
    A plus, et tu te souviens peut être de moi là bas offrant des iris jaunes.
    Amicalement. Yann

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    5 décembre 2016 à 20 h 31 min

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    5 décembre 2016 à 20 h 32 min

  17. memeyoyo

    C’est une belle histoire – émouvante – Bonne semaine – Bisous

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    5 décembre 2016 à 21 h 46 min

  18. Voilà un partage de souvenir épique ! La douleur et le handicap t’a ouvert les yeux sur le monde de ceux qui le vivent constamment.
    Merci pour ce texte vécu Jazzy, à peut-être jeudi !
    Bisous, il n’a pas gelé ce matin, mais le brouillard revient.
    @nnie

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    6 décembre 2016 à 8 h 28 min

  19. trezjosette2

    c’est exact il y tant de choses dont on prend conscience que lorsque’on a vécu une situation semblable une grande richesse ensuite dans nos rapport à autrui, de l’indulgence et de l’empathie.
    belle histoire Jazzy

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    6 décembre 2016 à 17 h 41 min

  20. Une belle envolée de ma soeur au-dessus de l’encolure de son cheval,… et une fracture de vertèbres… un plâtrage complet du dos avec minerve pendant plus de 6 mois et une colonne en très mauvais état…. m’ont définitivement écartée de tout ce qui est équestre… Une trouille bleue de ce bel animal qui m’attirait auparavant !
    J’ai bcp aimé ton témoignage si bien illustré… écrit avec bcp de maestro ! bravo !
    Merci et bisous

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    7 décembre 2016 à 19 h 30 min

  21. L’empathie ne peut qu’avoir des effets positifs, et ton histoire en est un bel exemple !

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    8 décembre 2016 à 18 h 39 min

  22. une semaine bousculée et je découvre seulement ce soir ce texte fort intéressant et cette belle leçon de vie. Je crois malgré tout que ton expérience a été rude et qu’un peu moins grave aurait été suffisant pour cela. Merci pour cette superbe participation

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    10 décembre 2016 à 18 h 47 min

  23. Myrtille

    Quelle force pour positiver ce que tu as vécu .. mais aurais-tu été aussi positive si ton futur mari n’avait pas été a tes côtés ? Ou si tu avais été seule a gérer ce que tu as vecu ? Sur que l’empathie est essentielle mais bien rare quand on vit des épreuves parfois lourdes …

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    15 décembre 2016 à 16 h 10 min

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