Jeudi poésie
Pour jeudi poésie un clic sur le logo.
Pour cette quinzaine Colette à la barre du bateau des croqueurs nous propose pour le jeudi poésie comme thème :
– Le courage
– La peur
dans l’ordre que vous souhaitez
ou libre bien entendu ;
poème personnel, choix de poème,
haïkus, acrostiche, citations etc.
J’ai choisi pour ce premier jeudi, le thème de la peur.
Elle hurle en silence , la bête immonde
Loin des douces mélopées du souffle apaisé
Ses griffes s’enfoncent, entailles profondes
Bloquant dans la gorge le sanglot étouffé .
*
L’infâme dans l’esprit instille son venin
Le malaise grandit à chaque seconde
Arme ses crocs féroces de monstre canin
Anéantissant tout l’espoir à la ronde
*
Soudain les dents claquent, les jambes flageolent
Maitresse absolue d’un corps qui s’affole
La peur implacable n’est pas moribonde
*
Hydre triomphante de nos pauvres cerveaux
Elle se joue de leurs efforts, soubresauts vains
Pour tenter de se soustraire à ce fléau
Gisèle 05/12/2019
*
Je vous propose aussi ce poème de Guy de Maupassant sur le même thème
Terreur
Ce soir-là j’avais lu fort longtemps quelque auteur.
Il était bien minuit, et tout à coup j’eus peur.
Peur de quoi ? je ne sais, mais une peur horrible.
Je compris, haletant et frissonnant d’effroi,
Qu’il allait se passer une chose terrible…
Alors il me sembla sentir derrière moi
Quelqu’un qui se tenait debout, dont la figure
Riait d’un rire atroce, immobile et nerveux :
Et je n’entendais rien, cependant. O torture !
Sentir qu’il se baissait à toucher mes cheveux,
Et qu’il allait poser sa main sur mon épaule,
Et que j’allais mourir au bruit de sa parole !…
Il se penchait toujours vers moi, toujours plus près ;
Et moi, pour mon salut éternel, je n’aurais
Ni fait un mouvement ni détourné la tête…
Ainsi que des oiseaux battus par la tempête,
Mes pensers tournoyaient comme affolés d’horreur.
Une sueur de mort me glaçait chaque membre,
Et je n’entendais pas d’autre bruit dans ma chambre
Que celui de mes dents qui claquaient de terreur.
Un craquement se fit soudain ; fou d’épouvante,
Ayant poussé le plus terrible hurlement
Qui soit jamais sorti de poitrine vivante,
Je tombai sur le dos, roide et sans mouvement.
Guy de Maupassant, Des vers
Jeudi poésie
Pour ce jeudi poésie, à la barre des croqueurs de mots, Colette ( clic ) nous propose comme thème dépouillement de la nature. Il me semble l’avoir déjà mis sur mon blog mais comme je l’aime beaucoup , je réédite ce poème de Guy de Maupassant .
Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d’un bois.
Plus de chansons dans l’air, sous nos pieds plus de chaumes.
L’hiver s’est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l’horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu’elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s’empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu’elle darde,
Fantastiques lueurs qu’elle s’en va semant ;
Et la neige s’éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n’ayant plus l’asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur œil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu’au jour la nuit qui ne vient pas.
Guy de Maupassant, Des vers