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Jeudi poésie

Pour ce jeudi poésie des croqueurs de mots Lenaïg à la barre j’ai choisi pour la magie des livres , “la lecture” un poème de Théodore de Banville .

Georges_de_La_Tour_L'Education_de_la_Vierge_The_Frick_Collection

“L’éducation de la vierge” Georges de La Tour

Lecture

*

Oh! quelle volupté! Lire!
Entendre, oubliant nos maux,
Tous les frissons de la Lyre
Exprimés avec des mots!

*

Et regarder les estampes,
Quand voltige et tremble un peu
Sur la blancheur de nos tempes
Le rose reflet du feu!

*
Sans les toux préparatoires,
Le Livre, doux et charmant,
Nous raconte des histoires,
Mais silencieusement.

*
Les caractères en foule
S’en vont d’un pas leste et fin,
Et le conte se déroule
Comme une étoffe sans fin.

*
Nous voyons les belles phrases
Construites selon nos vœux
Nous montrer des chrysoprases
Dans les ors de leurs cheveux.

*
Et menant la mascarade
Sous les rubis indiens,
Les mots qui font la parade
Sont tous des comédiens.

*

L’un que la louange flatte,
Apparaît tout radieux,
Portant la pourpre écarlate;
Il fait les Rois et les Dieux.

*
Tel, qui parmi nous émigre,
Nous vient du pays latin,
Et tel autre est, comme un tigre,
Plus rayé que Mezzetin.

*
Quelle joie! auprès de celle
Dont le regard plein de jour
Même dans l’ombre étincelle,
Lire des strophes d’amour!

*
Mais lire est plus doux encore
Lorsque le Temps envieux
Avec sa neige décore
Notre front devenu vieux.

*

Alors, penché sur son livre,
Le vieillard, qu’on trouble en vain,
Dit à l’Archer toujours ivre:
Je ne bois plus de ton vin.

*
C’est fini des soins moroses!
Je n’effeuille plus de lys
Ni de rougissantes roses
Pour Silvie ou pour Philis.

*
Sans colère, il dit à maintes
Cruelles aux fronts pâlis:
Églés et fières Amintes,
Ne fredonnez pas. Je lis.

*
Il dit: Chez moi je n’accueille
Ni Lisettes ni Lizons.
Il n’est plus temps que je cueille
Des violettes. Lisons.